Résilience : comment rebondir après l’abus narcissique
Face à la douleur profonde laissée par la manipulation et la perte d’estime de soi, il est normal de douter de ses propres ressources. Bonne nouvelle : la résilience n’est ni un don inné réservé à quelques élus, ni une force magique. C’est un processus que chacun peut cultiver pas à pas, même après un traumatisme sévère. Dans cet article, je déconstruis les idées reçues sur la résilience, j’explique comment elle se construit progressivement, et je vous propose d’illustrer ce cheminement par 2 cas cliniques concrets. Des références en thérapie des schémas, en TCC (thérapie cognitivo-comportementale), en neuropsychologie et en neurosciences (mémoire traumatique, plasticité cérébrale, auto-compassion, etc.) vous guideront pour comprendre comment le cerveau et l’esprit guérissent avec du soutien, de la patience et les bons outils.
Comprendre la résilience au-delà des clichés
Qu’est-ce que la résilience ?
Au sens psychologique, la résilience désigne la capacité à s’adapter et à retrouver un équilibre de vie après des événements très difficiles. On la compare à l’art de se relever après être tombé, de « rebondir » malgré l’adversité. Contrairement à l’image du survivant indestructible, être résilient ne signifie pas que la souffrance disparaît totalement ou que l’on « oublie » le traumatisme. La douleur et les cicatrices psychologiques existent, mais la personne résiliente parvient, avec le temps, à ne plus être définie uniquement par son trauma. Elle retrouve progressivement de l’espoir, du sens et la capacité de fonctionner au quotidien.
Cette faculté a longtemps été entourée d’une aura de mystère. On a pu croire qu’il s’agissait d’un trait de personnalité exceptionnel, presque héroïque. En réalité, la résilience n’est pas un trait de caractère figé, encore moins un pouvoir magique. La résilience un processus dynamique qui implique de multiples facteurs internes et externes. Il s’agit d’un cheminement, différent pour chacun, qui permet de se reconstruire après un choc psychologique.
« On l’a ou on ne l’a pas » : déconstruire les idées reçues
L’une des idées reçues les plus tenaces est que “certaines personnes naissent résilientes, d’autres non”. Il est vrai que nous ne sommes pas tous égaux face aux épreuves : notre histoire personnelle, notre tempérament et le soutien dont on dispose déterminent en partie la façon de réagir à un traumatisme. Cependant, rien n’est gravé dans le marbre. La résilience n’est pas innée – elle se développe et se cultive tout au long de notre parcours. Même si vous avez l’impression de ne pas être aussi fort qu’une autre personne ayant traversé des épreuves similaires, cela ne signifie pas que vous êtes incapable de résilience. Il est toujours possible d’apprendre, de grandir et d’acquérir de nouvelles forces, quel que soit votre point de départ.
De plus, la résilience n’est pas un état permanent que l’on atteint une fois pour toutes. Ce n’est pas “tout ou rien”. On se montre très résilient à une certaine période de sa vie, puis on flanche lors d’une autre épreuve – et inversement. En fait, la résilience n’est jamais absolue ni définitivement acquise : c’est un processus évolutif qui fluctue selon les circonstances, la nature du traumatisme et les étapes de la vie. Si aujourd’hui vous vous sentez au plus bas, cela ne signifie pas que vous « manquez » de résilience ou que vous ne vous relèverez jamais. Cela signifie simplement que le processus est en cours, et qu’il vous faut du temps et de l’accompagnement pour mobiliser vos ressources.
Enfin, il est important de combattre le mythe du rescapé solitaire qui n’a besoin de personne. Aucune victime d’abus ne devrait avoir à « s’en sortir » seule. Bien au contraire, le soutien de l’entourage joue un rôle déterminant. Boris Cyrulnik, qui a largement contribué à populariser le concept de résilience, souligne qu’une personne très fragilisée par un traumatisme peut tout de même développer sa résilience si elle bénéficie d’un soutien sécurisant après les faits tamadeus.ch. Personne n’est condamné au désespoir : même si vous avez peu de ressources au départ, recevoir de l’aide et de la bienveillance enclenche en vous des mécanismes insoupçonnés de guérison.
L’impact du traumatisme : quand l’abus narcissique laisse des traces
Avant de voir ensemble comment cultiver la résilience, il faut reconnaître pourquoi c’est si difficile après un abus narcissique. Si vous avez été sous l’emprise d’un manipulateur narcissique, vous avez vécu un stress psychologique intense et prolongé. Les blessures ne sont pas toujours visibles, mais elles sont bien réelles : « ce que vous traversez n’est pas de la faiblesse ou de la folie, c’est la conséquence normale d’un traumatisme« . Voyons de plus près ce qui se passe dans l’esprit et le cerveau après de telles violences.
Les blessures invisibles : comprendre la mémoire traumatique
Un abus narcissique combine violence psychologique, manipulation mentale et parfois agressions verbales et physiques. Ces expériences constituent un choc traumatique. Contrairement à un mauvais souvenir ordinaire, un traumatisme profond s’enregistre d’une façon particulière dans le cerveau : on parle de mémoire traumatique. Ce sont des souvenirs douloureux qui restent « bloqués » dans le système nerveux, sans être traités et rangés comme des souvenirs normaux. La mémoire traumatique se manifeste par des flashbacks, des cauchemars, des images ou sensations qui surgissent involontairement et vous font revivre l’événement avec la même terreur qu’au moment des abus. Par exemple, le simple fait d’entendre une phrase que votre ex-partenaire narcissique répétait, ou de sentir un parfum rappelant un moment de dispute déclenchent une panique intense. C’est comme si une partie de vous restait figée dans le passé, en état d’alerte permanente.
Cette réaction est en fait un mécanisme de survie. Lors d’un traumatisme, le cerveau émotionnel (incluant l’amygdale) s’active fortement, tandis que les zones rationnelles et de mémoire autobiographique (hippocampe, cortex préfrontal) sont submergées. Il en résulte ces fragments de mémoire brute, sensorielle, qui ressurgissent sans crier gare. Tant que la mémoire traumatique n’est pas apaisée et intégrée, il est très difficile de tourner la page, car le corps et l’esprit restent bloqués en mode « danger ». Vous n’êtes donc pas « faible » de rester si longtemps marqué par l’emprise : votre cerveau réagit comme s’il était toujours menacé, ce qui épuise émotionnellement et physiquement.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible, avec de l’aide, de désamorcer progressivement cette mémoire traumatique. Des psychothérapies spécialisées (comme l’EMDR, la thérapie des schémas ou certaines TCC axées sur le trauma) visent justement à soigner ces souvenirs douloureux. L’objectif est de transformer la mémoire traumatique en une mémoire autobiographique intégrée : le souvenir reste, mais il ne provoque plus la même détresse physiologique. Vous vous souvenez de ce que vous avez vécu, mais vous ne le revivez plus concrètement. Ce travail de mémoire et de verbalisation difficile est libérateur : il permet aux victimes de se reconstruire en reprenant le contrôle de leur histoire (comme l’a montré la psychiatre Muriel Salmona dans ses recherches sur le psychotraumatisme).
Un cerveau qui se répare : la plasticité cérébrale au service de la résilience
L’une des découvertes majeures en neurosciences ces dernières décennies est la notion de plasticité cérébrale. Notre cerveau n’est pas figé ; il possède une capacité étonnante à se réorganiser, à former de nouvelles connexions neuronales, et ce à tout âge de la vie. Donc, après un traumatisme, même si votre système nerveux a été profondément « dysrégulé » (hypervigilance, anxiété chronique, etc.), il existe une possibilité de « reconfiguration« . En d’autres termes, votre cerveau va pouvoir guérir de ses blessures.
Des recherches récentes menées sur des « survivants » de traumatismes montrent concrètement cette plasticité à l’œuvre. Par exemple, une étude française sur le stress post-traumatique (projet « Remember » de l’Inserm) a mis en évidence que les mécanismes cérébraux impliqués dans la gestion du stress évoluent avec le temps chez les personnes traumatisées. Les circuits du cerveau finissent par se transformer et leur réorganisation aboutit à une diminution progressive des symptômes de stress post-traumatiqu presse.inserm.fr. En clair, les flashbacks, l’hypervigilance, les angoisses intenses s’atténuent avec le temps et un environnement favorable, grâce à cette capacité du cerveau à s’adapter.
Cependant, cette amélioration n’est généralement pas automatique : elle est stimulée par l’expérience et l’apprentissage. Chaque fois que vous faites l’expérience d’une situation sécure (par exemple, une relation de confiance avec un psychologue , l’écoute bienveillante d’un proche, ou même une technique de relaxation qui calme votre système nerveux), vous offrez à votre cerveau une occasion de générer de nouvelles connexions plus apaisantes. Petit à petit, ces nouvelles expériences viennent contre-balancer les anciens schémas de peur ou de détresse. C’est ainsi que se construit biologiquement la résilience : en forgeant, synapse après synapse, de nouvelles voies neuronales tournées vers la sécurité, l’espoir et la maîtrise de soi.
En résumé, même si un traumatisme vous a profondément affecté, vous n’êtes pas condamné à rester brisé. Le cerveau possède des ressources insoupçonnées pour récupérer. Cette plasticité est le fondement même de la résilience : elle nous rappelle que rien n’est figé, et qu’avec du temps et du soutien, les blessures psychiques se cicatrisent. Vous pouvez aller mieux, parce que votre organisme est conçu pour s’adapter et guérir, surtout si nous lui en donnons l’opportunité.
Comment cultiver sa résilience après un abus narcissique
Vous l’aurez compris, la résilience n’est pas un état magique qui survient du jour au lendemain. C’est un cheminement, fait de petits pas, de rechutes parfois, et de progrès imperceptibles au quotidien. Après une relation d’emprise, se reconstruire est à première vue une montagne insurmontable. Mais en avançant jour après jour, on finit par constater le chemin parcouru. Quelles sont alors les clés pour cultiver votre résilience, même lorsque vous vous sentez au plus bas ? Voyons quelques pistes concrètes, en nous appuyant sur des approches thérapeutiques éprouvées et des découvertes en psychologie.
S’entourer : le soutien social, un facteur de protection majeur
L’abuseur narcissique cherche entre autres à isoler sa victime, à l’éloigner de ses proches, à la rendre dépendante. Vous avez été coupé de vos amis, de votre famille, ou vous n’osez plus parler par honte ou par peur de ne pas être cru. Rompre cet isolement est une étape cruciale vers la guérison. La résilience se nourrit du lien avec autrui. Avoir autour de soi des personnes bienveillantes, qui écoutent sans juger, qui croient en vous, est un véritable facteur de protection. Des études ont montré que le soutien social perçu est fortement associé à la résilience post-traumatique it.scribd.com. En clair, plus vous vous sentez soutenu et entouré, plus vous aurez de chances de rebondir après le traumatisme.
Concrètement, n’hésitez pas à demander de l’aide. Ce n’est pas un aveu de faiblesse, bien au contraire : c’est un signe de courage que de reconnaître qu’on a besoin d’appui. Que ce soit un(e) ami(e) de confiance avec qui parler lors d’un coup de blues, un groupe de parole entre victimes qui partagent des expériences similaires, ou un professionnel (psychologue, médecin) pour vous accompagner, chaque forme de soutien compte. S’entourer, c’est aussi reconstruire petit à petit un réseau social positif, là où l’abuseur avait fait le vide. Chaque échange empathique, chaque geste de gentillesse que vous recevez vient contredire le message de la personne toxique qui vous répétait que vous ne méritiez rien de bon. Accepté d’être aidé et s’accorder le droit de ne pas aller bien est un premier pas. À plusieurs, on est toujours plus fort pour traverser les tempêtes.
Se reconstruire de l’intérieur : l’auto-compassion et la bienveillance envers soi
Parmi les séquelles d’une relation toxique, on trouve la dévalorisation de soi. Après avoir subi des critiques, du gaslighting (déstabilisation mentale) et des reproches injustifiés, vous avez intégré l’idée que tout est de votre faute, que vous ne valez rien, ou que vous ne vous en sortirez pas. Ces pensées, insidieuses, sapent la résilience car elles vous maintiennent dans la honte et la culpabilité. L’antidote puissant est l’auto-compassion.
Mais qu’est-ce que l’auto-compassion ? C’est la capacité à se traiter soi-même avec la même gentillesse et la même compréhension que l’on offrirait à un ami cher. Au lieu de vous blâmer pour vos émotions ou vos difficultés (“Je suis trop nul(le) de ressentir encore ça”, “Je devrais être plus fort(e)”), il s’agit de reconnaître que vous êtes un être humain imparfait qui traverse une épreuve difficile, et de vous apporter du réconfort au lieu du jugement. En pratique : se parler avec douceur mentalement, prendre soin de ses besoins (repos, sécurité, plaisir simple du quotidien), et accepter ses émotions sans les juger. Par exemple, plutôt que de vous dire « Je ne devrais plus penser à mon ex, c’est ridicule d’être encore en colère », essayer de vous dire : « Il est normal que j’aie encore mal et en colère après ce que j’ai vécu ; beaucoup de personnes ressentiraient la même chose, je vais y aller doucement avec moi-même. »
Loin d’être un vague concept, l’auto-compassion a fait l’objet de recherches scientifiques. Les résultats sont clairs : plus on développe de la compassion envers soi, plus on favorise la résilience. Une étude a ainsi montré que l’auto-compassion, tout comme le soutien social, est significativement associée à la capacité à rebondir après un traumatisme it.scribd.com. Comment l’expliquer ? En partie parce que se traiter avec bienveillance réduit le stress et l’auto-critique destructrice. Des travaux en psychologie suggèrent que l’auto-compassion fait baisser le niveau de cortisol (l’hormone du stress) et active au contraire des émotions positives d’apaisement. Cela aide à sortir des spirales négatives (ruminations, désespoir) qui empêchent d’avancer.
Vous pouvez cultiver l’auto-compassion par de petits exercices quotidiens. Par exemple, tenir un journal de bord où vous notez non seulement vos difficultés, mais aussi la manière dont vous avez pris soin de vous dans la journée (même si c’est très modeste). Ou encore, pratiquer une méditation guidée d’auto-compassion, qui vous apprend à vous parler intérieurement comme vous le feriez à un ami qui souffre. C’est une pratique déroutante au début, surtout quand on a l’habitude d’être sévère envers soi-même, mais qui porte ses fruits sur la durée. En vous accordant la même empathie que vous auriez pour autrui, vous renforcerez votre capacité de résilience – car vous deviendrez un allié pour vous-même, et non plus un bourreau intérieur.
Retrouver le contrôle : TCC et thérapie des schémas pour se reconstruire
Lorsque l’on cherche à se relever d’un abus narcissique, un accompagnement thérapeutique professionnel est d’une aide inestimable. Il existe différentes approches, et l’important est de trouver celle avec laquelle vous vous sentez en confiance. Parmi les thérapies reconnues pour aider à restaurer la résilience chez les survivants de trauma, on peut citer la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la thérapie des schémas.
La Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC)
La TCC est une thérapie brève qui vise à modifier les pensées négatives automatiques et les comportements qui entretiennent la souffrance. Après un abus narcissique, il est fréquent d’avoir développé des pensées déformées du fait des manipulations subies : par exemple, croire qu’on ne vaut rien, que l’on mérite la violence, que tous les autres vous voudront du mal, ou au contraire, être persuadé qu’on ne pourra jamais plus faire confiance à personne. La TCC va vous aider à identifier ces croyances héritées du traumatisme et à les remettre en question de façon objective. Pas à pas, avec des exercices pratiques, vous apprendrez à restructurer ces pensées toxiques pour les remplacer par des pensées plus réalistes et plus bienveillantes envers vous-même. En parallèle, la TCC travaille sur les réactions comportementales : par exemple, si vous avez tendance à vous terrer chez vous par peur de sortir (évitement), le psychologue TCC pourra vous proposer une exposition graduelle, contrôlée, pour réapprendre progressivement à affronter le monde extérieur en sécurité. De même, pour les troubles du sommeil, les phobies ou l’anxiété, des techniques spécifiques TCC (relaxation, respiration, désensibilisation systématique) apportent un soulagement. La TCC permet de corriger les schémas de pensée négatifs et les comportements inadaptés causés par les manipulations. En bref, elle vous aide à reprendre le contrôle là où le traumatisme vous l’avait fait perdre, en réapprenant de nouvelles façons de penser et d’agir face aux déclencheurs du stress.
La thérapie des schémas
La thérapie des schémas, quant à elle, est une approche particulièrement pertinente lorsque les traumatismes relationnels remontent à loin ou se répètent. Développée par Jeffrey Young, cette thérapie intègre des éléments de TCC, de gestalt et de psychodynamique pour travailler sur les schémas précoces inadaptés. Les schémas sont comme des empreintes émotionnelles profondes formées dans l’enfance, qui influencent notre manière de percevoir nous-mêmes et les autres. Par exemple, quelqu’un qui a grandi avec un parent narcissique ou peu aimant développe un schéma d’abandon ou de défectuosité (croyance d’être indigne d’amour). Plus tard, cette personne sera plus vulnérable aux partenaires toxiques, car le schéma la dirige inconsciemment vers des situations confirmant sa croyance initiale. L’abus narcissique subit à l’âge adulte vient alors renforcer ce schéma (« si on m’a traité ainsi, c’est bien que je ne vaux rien » pense la victime, de manière erronée mais compréhensible).
La thérapie des schémas va mettre en lumière ces cœurs de blessures internes. Avec l’aide du psychologue, le patient apprend à reconnaître ses schémas (par exemple : « j’ai le schéma de méfiance/abus, je m’attends toujours à être trahi ou maltraité ») et les « modes » dans lesquels il fonctionne (mode enfant vulnérable, mode protecteur, mode critique intérieur, etc.). L’objectif est de guérir ces schémas en répondant aux besoins émotionnels qui n’ont pas été comblés et en modifiant progressivement ces croyances profondément ancrées. Un aspect empathique de cette thérapie est le reparentage limité : le psychologue, par son attitude chaleureuse et fiable, aide le patient à vivre une nouvelle expérience relationnelle, réparatrice par rapport aux carences du passé. Par exemple, si vous avez un schéma d’abandon, la thérapie cherchera à vous faire ressentir, petit à petit, qu’une relation stable et sécurisante est possible, et que vous avez droit à cette sécurité. Si vous avez un schéma de soumission (tendance à s’effacer totalement face à l’autre par peur du conflit, très fréquent après une emprise), la thérapie vous encouragera à exprimer vos besoins, à poser des limites, tout en vous rassurant sur votre droit à le faire.
Avec le temps, la thérapie des schémas vise à transformer les messages internes laissés par l’abus narcissique. Là où votre esprit répète « je suis impuissant, je n’ai pas de valeur », vous allez construire une nouvelle voix intérieure capable de dire : « j’ai de la valeur, je mérite le respect, je prends soin de moi ». C’est un travail en profondeur, souvent plus long que la TCC classique, mais qui porte ses fruits sur la durée en apportant un changement à la racine de l’estime de soi et des modes relationnels. Beaucoup de survivants d’abus complexes (notamment dans l’enfance) trouvent dans cette approche un chemin pour renaître à eux-mêmes, libérés des chaînes invisibles que le traumatisme avait placées dans leur psyché.
Des petites victoires au quotidien : progrès progressifs et pragmatisme
Au-delà des approches thérapeutiques formelles, cultiver sa résilience se joue aussi au quotidien à travers de petites actions. Chaque fois que vous accomplissez un geste qui vous redonne un sentiment de contrôle, aussi minime soit-il, vous musclez votre résilience. Cela peut être de prendre une décision par vous-même (même aussi simple que changer la décoration de votre espace pour qu’il vous ressemble, quand auparavant on vous imposait tout), de reprendre une activité que vous aimiez et que vous aviez abandonnée, ou d’apprendre quelque chose de nouveau. Se fixer de petits objectifs réalisables et les atteindre aide à reconstruire la confiance en vos capacités. Par exemple, décider de sortir faire une courte promenade trois fois par semaine et le faire effectivement, c’est un succès sur lequel bâtir. Chaque objectif atteint envoie un message positif à votre cerveau : « je peux y arriver ».
Il est également utile de reconnaître et célébrer ces petites victoires. Les personnes traumatisées ont tendance à minimiser leurs progrès (« ce n’est rien, d’autres font bien plus »). Apprenez à valoriser vos efforts : oui, peut-être que pour quelqu’un d’indemne, aller faire des courses ou parler à un voisin n’est pas un exploit, mais pour vous qui avez vécu sous emprise, c’est un pas courageux vers la normalité. Donnez-vous du crédit pour cela. Cette attitude positive nourrit l’estime de soi, ingrédient indispensable de la résilience.
Enfin, soyez patient et indulgent envers vous-même. Il y aura des jours avec et des jours sans. Parfois, un rien ravivera la douleur (un anniversaire, un lieu, un rêve perturbant) et vous aurez l’impression de retomber au point de départ. Ce n’est pas le cas : même les régressions font partie du chemin. La guérison n’est pas linéaire. Ce qui compte, c’est la tendance générale. Visualisez la résilience comme une courbe qui monte en zigzagant : ça monte, ça descend, mais au fil des mois, la trajectoire globale s’élève. Dans ces moments difficiles, repensez à toutes les étapes que vous avez déjà franchies, aussi modestes soient-elles, et rappelez-vous que vous avancez, malgré tout. Chaque aube qui se lève après une nuit de cauchemars, chaque lendemain de crise où vous êtes toujours là, debout tant bien que mal, est la preuve de votre courage. Et le courage, c’est de la résilience en action.
Deux cas cliniques : parcours de résilience après un abus narcissique
Pour rendre ces notions plus concrètes, examinons deux exemples inspirés de situations réelles (les prénoms et certains détails ont été modifiés pour préserver l’anonymat). Ces témoignages illustrent qu’avec le temps et l’accompagnement, la résilience peut éclore, même après des traumas profonds.
Cas n°1 : Aurélie – se reconstruire après un conjoint manipulateur
Aurélie (nom d’emprunt), 42 ans, a vécu pendant 7 ans avec un conjoint narcissique. Lorsqu’elle a réussi à fuir cette relation, son état psychique était très précaire. Elle souffrait de stress post-traumatique complexe : insomnies avec cauchemars récurrents, sursauts au moindre bruit, crises d’angoisse incontrôlables, et une conviction tenace d’être “nulle” et “impossible à aimer”. Son ex-partenaire l’avait isolée de presque tous ses ami(e)s et de sa famille, si bien qu’en partant, Aurélie s’est retrouvée quasi seule, envahie par un profond sentiment de honte et d’échec. Elle disait souvent : « Je ne suis qu’une loque, je n’arriverai jamais à reprendre une vie normale ». Derrière ces mots durs, on voit combien le traumatisme avait altéré l’image qu’elle avait d’elle-même.
Première étape : la mise en sécurité et le soutien. Aurélie a d’abord été hébergée quelques semaines chez sa sœur aînée, qui l’a entourée de bienveillance. Cette période lui a permis de se sentir en relative sécurité physique, loin de son bourreau. Bien que très angoissée, Aurélie a peu à peu commencé à partager ce qu’elle avait sur le cœur avec sa sœur, puis avec deux anciennes amies qu’elle a recontactées. Le fait de parler et d’être crue (personne ne minimisait les violences qu’elle avait subies) a été un premier baume. Parallèlement, elle a entrepris rapidement une psychothérapie avec une psychologue spécialisée en psychotraumatologie. Ce cadre thérapeutique sécurisant lui a offert un espace où déposer son fardeau sans crainte d’être jugée. Aurélie a ainsi commencé à briser l’isolement dans lequel l’avait plongée l’abuseur, et a renoué avec l’expérience d’un soutien social positif. Même si au début elle n’arrivait pas à « y croire », savoir que d’autres personnes voulaient son bien et la considéraient avec respect a planté une petite graine d’espoir en elle.
Deuxième étape : stabiliser les symptômes et comprendre le mécanisme du trauma. Les premières semaines de thérapie ont surtout consisté à aider Aurélie à apaiser son système nerveux hyperactivé. La psychologue lui a enseigné des techniques de respiration et de pleine conscience pour gérer ses crises d’angoisse. Elles ont établi ensemble des rituels apaisants le soir (bain tiède, tisane, lecture douce) pour tenter de réguler son sommeil. Ce ne furent pas des recettes miracles, mais petit à petit, Aurélie a pu gagner quelques heures de repos en plus et réduire légèrement la fréquence des flashbacks nocturnes. Un travail d’éducation thérapeutique a aussi été fait : la psy lui a expliqué ce qu’est la mémoire traumatique, pourquoi elle réagissait de manière « démesurée » à certains déclencheurs. En comprenant que ses réactions étaient en fait normales compte tenu du trauma (et non pas le signe qu’elle « devenait folle »), Aurélie a ressenti un immense soulagement. Elle a cessé de se traiter de folle ou de faible pour éprouver ces symptômes, réalisant qu’il s’agissait d’un processus physiologique. Cette compréhension l’a rendue plus compatissante envers elle-même : au lieu de s’en vouloir d’être si anxieuse, elle a commencé à reconnaître sa force d’avoir survécu et à voir ses symptômes comme ce qu’ils étaient – des séquelles sur lesquelles on peut travailler.
Troisième étape : réapprendre à vivre et restaurer l’estime de soi. Après 6 mois, Aurélie a noté qu’elle arrivait à sortir de chez sa sœur sans faire de crise de panique. Elle a emménagé dans son propre appartement. Ce changement, effrayant au départ, a été une opportunité de reprendre son autonomie. Avec l’aide de la psychologue, elle a listé les tâches qui l’effrayaient le plus (faire des démarches administratives seule, conduire, rencontrer de nouvelles personnes) et les a affrontées progressivement, une par une. Chaque succès, même modeste (aller à la poste, boire un café en terrasse entourée d’inconnus), a été valorisé et analysé en séance pour en tirer de la fierté. Parallèlement, en thérapie des schémas (intégrée à son suivi), Aurélie a travaillé sur son profond sentiment de nullité. Elle a pu faire le lien avec son histoire familiale : un père critique et jamais satisfait avait déjà érodé sa confiance depuis l’enfance. L’emprise narcissique n’avait fait que parachever ce schéma de dévalorisation. Grâce à des techniques comme l’imagerie mentale et le dialogue thérapeutique, elle a progressivement développé un nouveau discours intérieur. Au début, se dire « Je mérite d’être respectée » ou « Je suis capable » lui semblait impossible – comme si les mots butaient contre un mur. Mais à force de répétition et d’expériences positives concrètes, ces affirmations ont commencé à prendre sens. Un déclic important a été lorsqu’ Aurélie a suivi une formation professionnelle de reconversion (financée par un organisme d’aide aux victimes). En cours, elle a réussi plusieurs exercices pratiques seule, et ses formateurs l’ont encouragée. Cela contrastait avec les humiliations subies par le passé. Ses efforts payaient : non seulement elle apprenait de nouvelles compétences, mais elle constatait que des personnes la trouvaient compétente et intelligente. Ces retours extérieurs positifs ont nourri sa propre estime.
Aujourd’hui, cela fait deux ans qu’ Aurélie a quitté son ex-conjoint. Elle dit ne pas être « redevenue comme avant » – et sans doute ne le redeviendra-t-elle jamais tout à fait, car une telle épreuve vous change profondément. Cependant, elle a développé ce qu’on peut appeler une résilience évidente : elle a un travail qu’elle aime, elle s’autorise à rire à nouveau, et a même entamé une relation amoureuse avec un compagnon compréhensif et sain. Bien sûr, il lui arrive encore d’avoir des moments d’angoisse ou de doute, notamment quand quelque chose lui rappelle son passé. Mais elle s’aperçoit qu’elle possède maintenant une boîte à outils pour y faire face (respiration, pensées rationnelles apprises en TCC, appel à une personne de confiance, etc.), là où elle se sentait totalement démunie autrefois. Elle mesure le chemin parcouru : « Avant, je survivais au jour le jour, maintenant je vis. Je me projette dans l’avenir, et j’ai même des envies, des projets. Je me sens à nouveau une personne à part entière. » Pour elle, la résilience a été un apprentissage. Elle insiste sur le fait que ce n’est pas la victime d’hier qui soudain ressurgit identique, mais bien une nouvelle version d’elle-même, plus consciente de sa valeur et de ses limites, forgée par l’épreuve traversée.
Cas n°2 : David – surmonter une emprise familiale et retrouver confiance
David, 35 ans, a subi dès l’enfance l’emprise d’une mère aux traits narcissiques marqués. Enfant, il devait être parfait pour obtenir un peu d’amour : si ses notes scolaires n’étaient pas les meilleures, il essuyait des vexations cruelles (« Tu finiras bon à rien »). À l’adolescence, sa mère oscillait entre l’ignorer complètement et l’utiliser comme confident forcé, envahissant son intimité et le culpabilisant sans cesse. David s’est construit avec un schéma de soumission et de dévalorisation très fort. À 20 ans, il est tombé amoureux d’une jeune femme qui, hélas, reproduisait un pattern toxique : elle le contrôlait et le rabaissait étrangement d’une manière similaire à ce qu’il connaissait. Il rompit cette relation au bout de deux ans, réalisant confusément qu’il revivait le cauchemar de son enfance. Malgré cela, David, au moment de consulter à 28 ans pour une grande dépression, se décrivait comme « cassé » et « indigne d’être heureux ». Il n’avait aucune estime de lui, vivait dans la peur panique du conflit (par exemple, il s’excusait en permanence, y compris lorsque quelqu’un le bousculait dans le métro). Socialement, il était très seul, n’osant pas créer de liens de peur d’être rejeté ou abusé.
Début du suivi : mettre des mots sur l’emprise et sortir du déni. En thérapie (il a consulté dans un centre de consultation en psychologie), le premier travail a été de faire prendre conscience à David que ce qu’il avait vécu s’apparentait à des violences psychologiques. Ayant toujours entendu que « c’était pour son bien » ou qu’il exagérait, il minimisait l’impact de l’emprise maternelle. Le thérapeute l’a aidé à reconnaître le schéma répétitif entre sa mère et sa petite amie de l’époque : dans les deux cas, il y avait eu manipulation, contrôle et abus émotionnel. Ce regard lucide a été douloureux – David a réalisé qu’il portait en lui depuis l’enfance une profonde blessure d’amour non donné – mais aussi libérateur, car il comprenait enfin l’origine de son mal-être chronique. Pour la première fois, il a osé exprimer de la colère envers sa mère (en séance, par des jeux de rôle), alors qu’il s’en était toujours senti coupable. Verbaliser cette colère légitime l’a soulagé d’un poids : il avait le droit d’être en colère contre l’injustice qu’il avait subie.
Restructurer les schémas et se reconnecter à soi. Le travail thérapeutique de David a combiné une TCC pour la dépression (afin de l’aider à sortir des pensées du type « je ne vaux rien, à quoi bon vivre ») et une thérapie des schémas pour s’attaquer aux racines plus anciennes de son problème. Avec des outils cognitifs, il a appris à repérer ses pensées automatiques négatives. Par exemple, quand quelqu’un lui faisait une remarque anodine au travail, il avait tout de suite un dialogue intérieur catastrophique : « Il doit penser que je suis stupide, je vais me faire virer ». En TCC, il s’est entraîné à remplacer cela par des interprétations alternatives plus neutres ou positives (« Il me fait ce retour pour m’aider à m’améliorer, ça ne remet pas en cause ma valeur »). Au début, il n’y croyait pas trop, mais l’exercice répétitif a fini par porter ses fruits : son anxiété sociale a diminué, et il a même obtenu une promotion en osant proposer une idée de projet (chose impensable pour lui auparavant).
En thérapie des schémas, David a identifié plusieurs schémas dominants : Indignité/Honte (« je suis mauvais, je mérite qu’on m’abuse »), Assujettissement (« mes besoins ne comptent pas, je dois satisfaire les autres »), et Carence affective (sentiment qu’on ne l’aimera jamais vraiment). Le thérapeute a utilisé des techniques expérientielles : il a par exemple demandé à David d’écrire une lettre qu’il aurait voulu recevoir de sa mère s’excusant et reconnaissant ses torts, afin de combler symboliquement sa carence affective. Cet exercice l’a fait pleurer toutes les larmes de son corps, mais a ouvert une brèche : pour la première fois, il envisageait que le problème n’était pas qu’il était impossible à aimer, mais que sa mère avait eu des incapacités à aimer. Il a aussi appris à écouter son « enfant intérieur », c’est-à-dire ses besoins émotionnels profonds. Petit à petit, David a commencé à faire des choses pour lui, et non plus uniquement pour plaire aux autres : il a repris le dessin, une passion qu’il avait abandonnée car sa mère jugeait cela « inutile ». Il y a pris beaucoup de plaisir et a même intégré un petit atelier d’art du week-end, où il a rencontré des personnes partageant sa passion. Ces expériences positives ont été comme des correctifs émotionnels : il constatait que des inconnus pouvaient apprécier ce qu’il faisait, que s’affirmer dans un cadre bienveillant ne conduisait pas au rejet mais au contraire à de l’appréciation. Cela a commencé à ébranler ses schémas négatifs.
Renouer avec la confiance et l’autonomie. Après deux ans de suivi, David a opéré des changements notables. L’un des plus grands a été vis-à-vis de sa mère : il a établi enfin des limites claires. Il a compris qu’elle ne changerait probablement pas, mais que lui pouvait changer sa manière d’interagir avec elle. Il a cessé de la voir toutes les semaines par culpabilité et a réduit les contacts. Lorsqu’elle se montrait toxique (critiques, chantage affectif), il a appris à mettre fin à la conversation poliment mais fermement. Cela lui demandait un effort énorme au début (tremblements, angoisse intense), mais son thérapeute l’avait aidé à préparer ces confrontations par des jeux de rôle. À sa grande surprise, poser des limites n’a pas fait « s’effondrer le ciel » : certes, sa mère l’a mal pris au début, mais il a tenu bon, et il s’est senti fière et soulagé après coup. Cette affirmation de soi a été une étape clé de sa résilience, car elle lui a fait ressentir concrètement qu’il n’était plus l’enfant impuissant : il avait repris du pouvoir sur sa vie d’adulte.
Sur le plan de la confiance en autrui, David a aussi progressé. Il s’est autorisé, via son atelier de dessin notamment, à lier amitié avec deux personnes. Un an plus tôt, il aurait gardé ses distances, persuadé qu’en se dévoilant il serait moqué ou blessé. Mais fort de sa meilleure estime personnelle, il a osé s’ouvrir petit à petit. Ces amitiés lui ont fait énormément de bien. L’une de ces personnes, en particulier, a su écouter son histoire sans jugement et lui a répété qu’il avait du courage. Entendre cela d’une personne extérieure a été pour David comme un baume réparateur sur sa plaie de honte. Il a fini par y croire un peu lui-même.
Aujourd’hui, David se dit sur le chemin de la résilience. Il se surprend parfois à vivre des moments de joie simples sans cette ombre constante du passé. Par exemple, récemment, il a organisé une petite fête pour son anniversaire avec ses amis – c’était la première fois de sa vie qu’il célébrait son anniversaire, lui qui pensait ne pas mériter d’être fêté. Ce soir-là, il a réalisé en soufflant ses bougies à quel point il avait parcouru du chemin : « J’ai senti de la gratitude et même de la fierté. Je me suis dit : ça y est, je suis sorti du tunnel. » Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il confie qu’il reste parfois hypervigilant et que la perspective d’une relation amoureuse sérieuse lui fait encore peur. Mais il ne se force plus : il avance à son rythme. Surtout, il se sent aux commandes de sa vie plus qu’il ne l’a jamais été. Là où avant il se voyait comme une victime éternelle du sort, il se reconnaît maintenant une part active : « La résilience, j’ai compris que ce n’est pas quelque chose qui tombe du ciel. C’est moi qui la construis, brique par brique, en prenant soin de moi et en faisant des choix différents. Et ça, c’est à la portée de tout le monde. »
Conclusion : La résilience, un chemin accessible à chacun
En explorant la notion de résilience appliquée aux victimes d’abus narcissique, nous avons vu qu’aucune histoire n’est trop sombre pour évoluer vers la lumière. Non, la résilience n’est pas un don mystérieux réservé à une poignée d’individus exceptionnellement forts. C’est au contraire une capacité humaine universelle, ancrée dans notre psychologie et même dans notre biologie, qui nous permet de reprendre vie après les traumatismes. Tout le monde n’a pas les mêmes facilités ni les mêmes ressources au départ, c’est vrai. Un contexte aimant, des soutiens précoces, peuvent rendre le rebond plus aisé pour certains. Mais comme le soulignent les cliniciens, rien n’est jamais définitif : même si vous avez vécu l’isolement, la destruction de votre confiance en vous, il n’est jamais trop tard pour aller chercher l’aide qui vous manquait et enclencher ce processus de résiliencetamadeus.ch.
Le chemin de la résilience est fait de petites étapes cumulatives. Chaque geste de soin que vous vous apportez, chaque lien positif que vous tissez, chaque croyance néfaste que vous parvenez à remettre en question, est une pierre ajoutée à l’édifice. Après un abus narcissique, vous partez peut-être avec l’impression d’être en ruines. Mais brique après brique, il est possible de reconstruire une vie dans laquelle le traumatisme ne dicte plus toutes les règles. Cette vie ne sera pas exactement la même qu’avant – vous portez l’expérience en vous – mais elle peut être riche, sereine et pleine de sens. De nombreux survivants rapportent même qu’ils ont développé, à travers l’épreuve, de nouvelles qualités : une plus grande empathie, une connaissance profonde d’eux-mêmes, ou l’envie d’aider autrui à leur tour. C’est ce qu’on appelle la croissance post-traumatique – l’idée qu’au-delà de la simple « restauration », il peut y avoir une forme de renaissance. Sans idéaliser la souffrance (personne n’a besoin de vivre un drame pour devenir quelqu’un de bien !), on peut reconnaître que vous ne serez pas seulement la personne « d’avant », vous pouvez devenir une version encore plus accomplie de vous-même, fort de ce que vous avez appris et surmonté.
Pour conclure, retenez ceci : oui, vous êtes capable de résilience. Même si cela vous semble inimaginable sur le moment, même si vous vous sentez épuisé et découragé, votre flamme intérieure ne demande qu’à refleurir. Donnez-vous du temps. Entourez-vous de personnes qui croient en vous et faites taire les voix toxiques (externes ou internes) qui prétendent le contraire. Faites-vous accompagner par des professionnels si possible, car il n’y a aucune honte à avoir besoin d’un guide sur ce chemin escarpé. Et surtout, traitez-vous avec la douceur que vous méritez : la bienveillance est le terreau sur lequel la résilience pousse le mieux.
Chaque petit pas compte, chaque jour de survie est un pas vers la vie. Un matin, sans que vous sachiez exactement comment, vous vous réveillerez en vous rendant compte que la douleur a laissé plus de place à autre chose – du calme, de l’espoir, l’envie d’avoir des projets. Ce jour-là, vous pourrez dire que vous avez fait émerger votre résilience. Vous avez ce pouvoir en vous. Ne perdez jamais de vue qu’après l’hiver le plus rude, le printemps finit par revenir. Votre printemps à vous viendra, et vous pourrez alors contempler le chemin parcouru avec fierté et gratitude. En attendant, prenez soin de vous : c’est le début de la résilience.
FAQ : Résilience : comment rebondir après l’abus narcissique
La résilience est la capacité à se reconstruire et à retrouver un équilibre après avoir vécu un traumatisme ou une épreuve difficile. Elle n’est pas innée, mais se développe à travers des soutiens, des ressources internes, et des outils thérapeutiques.
Oui. Même après une relation toxique ou une emprise destructrice, il est possible de développer sa résilience grâce à un accompagnement adapté, du soutien social, et des approches thérapeutiques comme la TCC, l’EMDR ou la thérapie des schémas.
L’abus narcissique laisse des séquelles profondes, souvent invisibles, liées à la mémoire traumatique. Il altère l’estime de soi et provoque des troubles durables. Ce n’est pas un manque de volonté, mais une réaction normale à un traumatisme prolongé.
Les outils incluent l’auto-compassion, la reconstruction de l’estime de soi, les relations sécures, des thérapies spécialisées, et des petits pas quotidiens pour regagner du contrôle. Chaque progrès compte dans le processus de résilience.
Oui. Grâce à la plasticité cérébrale, le cerveau peut former de nouvelles connexions et désactiver peu à peu les circuits liés à la peur et à la souffrance. Cela prend du temps, mais c’est un processus biologique réel et documenté.