Le Gaslighting : comment un manipulateur vous fait douter
Le gaslighting est une forme insidieuse de manipulation psychologique qui consiste à faire douter une personne de sa perception, de sa mémoire ou de sa réalité. Ce terme provient d’une pièce de théâtre des années 1930, Gas Light, où un mari tente de convaincre sa femme qu’elle perd la raison en modifiant subtilement leur environnement, notamment en baissant l’intensité des lumières au gaz. Si ce concept est évoqué dans les contextes de relations abusives, il repose sur des mécanismes psychologiques et neurologiques complexes, que les neurosciences commencent à mieux comprendre.
Le mécanisme du doute : une attaque cognitive
Le gaslighting exploite un principe fondamental du cerveau humain : notre tendance à nous appuyer sur la validation sociale et notre propre perception pour établir une réalité objective. Les neurosciences montrent que le cerveau utilise des processus cognitifs appelés reconsolidation et distorsion de la mémoire. La reconsolidation est un mécanisme par lequel chaque fois que nous évoquons un souvenir, ce dernier est potentiellement modifié avant d’être « re-stabilisé » dans notre mémoire à long terme. En jouant sur cette plasticité de la mémoire, le gaslighter peut progressivement amener la victime à douter de ses propres souvenirs.
Des recherches en neuropsychologie ont également montré que notre cerveau traite les informations nouvelles en se basant sur des schémas déjà établis. Quand une personne de confiance (souvent le gaslighter) affirme avec insistance qu’un événement s’est déroulé différemment de ce que la victime se souvient, le cerveau peut intégrer cette version manipulée comme une nouvelle réalité. Ce phénomène est renforcé par un biais de conformité sociale, où les individus tendent à aligner leur perception avec celle de l’autorité ou du groupe, par peur de l’isolement.
Les biais cognitifs exploités dans le gaslighting
Plusieurs biais cognitifs sont exploités par les gaslighters
Le biais de confirmation
Les victimes cherchent des preuves qui confirment ce qu’on leur dit. Si le manipulateur présente des « preuves » ou des arguments qui semblent cohérents avec sa version des faits, la victime va peu à peu se conformer à cette vision, même si elle contredit ses souvenirs initiaux.
Le biais d’autorité
Le cerveau est naturellement enclin à accepter des informations émanant de figures d’autorité, ou de personnes perçues comme proches et fiables. Cela renforce la conviction de la victime que ses perceptions sont erronées si la personne en face d’elle (le gaslighter) est perçue comme ayant une autorité ou une légitimité.
Le biais de dissonance cognitive
Lorsque la réalité intérieure (les perceptions et souvenirs) de la victime est en conflit avec les informations fournies par le gaslighter, la dissonance cognitive (un inconfort psychologique) pousse l’individu à réajuster sa réalité pour atténuer cette tension. Cela facilite la réécriture de la perception des événements par la victime, en faveur du gaslighter.
Impact du gaslighting sur le cerveau : le stress et la neurobiologie
Le gaslighting a des conséquences directes sur le système nerveux, notamment en activant le système limbique, qui est lié aux émotions et au traitement du stress. Être constamment remis en question et douté de sa réalité génère un stress chronique, ce qui entraîne la libération excessive de cortisol, une hormone du stress. Une exposition prolongée à ce type de manipulation a des effets néfastes sur la structure cérébrale, notamment l’hippocampe, une région clé impliquée dans la mémoire et l’apprentissage.
Des études en neurosciences ont démontré que des niveaux élevés de stress chronique réduisent la taille de l’hippocampe, altérant ainsi la capacité de la victime à se souvenir correctement des événements et exacerbant la confusion mentale. Le cortex préfrontal, responsable de la prise de décision et du contrôle cognitif, est également affecté par des niveaux élevés de cortisol, rendant les victimes plus vulnérables à la manipulation.
L’aspect émotionnel : la dépendance affective et la régulation des émotions
Le gaslighting n’affecte pas seulement les fonctions cognitives, il touche aussi profondément la régulation émotionnelle. Les neurosciences montrent que la dopamine, un neurotransmetteur associé à la récompense et au plaisir, joue un rôle prépondérant dans la dynamique de pouvoir entre le gaslighter et sa victime. Le manipulateur alterne entre des comportements négatifs et des gestes d’affection ou de validation. Cette alternance de récompense et de punition crée une forme de dépendance émotionnelle chez la victime, comparable à celle observée dans les addictions. Le cerveau devient alors conditionné à rechercher les moments de validation, même si ceux-ci sont rares et entrecoupés de moments de doute et de souffrance.
Comment le cerveau peut se reconstruire après un gaslighting
Heureusement, les neurosciences montrent que le cerveau possède une capacité de neuroplasticité, ce qui signifie qu’il se remodèle et se réorganise même après des expériences traumatiques comme le gaslighting.
Avec un soutien psychologique approprié, les victimes reformule leurs souvenirs et rétablisse une perception plus juste de la réalité.
Des thérapies comme la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ou l’EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires) sont utilisées pour traiter les traumatismes et les distorsions cognitives provoquées par le gaslighting. Ces approches permettent aux victimes de réévaluer leurs souvenirs et d’adopter des stratégies de résilience face à la manipulation.
Conclusion
Le gaslighting est un processus de manipulation insidieux qui exploite les vulnérabilités cognitives et émotionnelles des individus. Les avancées en neurosciences montrent à quel point cette manipulation affecte les circuits neuronaux, influençant la mémoire, la perception et même la santé émotionnelle et physique des victimes. Cependant, grâce à la neuroplasticité et aux interventions thérapeutiques appropriées, il est possible de restaurer une perception saine de la réalité et de se libérer des effets dévastateurs du gaslighting.