Revenge porn et cyberviolence conjugale : comment se protéger
Le revenge porn – ou diffusion d’images intimes sans consentement – est l’une des formes les plus insidieuses de la cyberviolence conjugale. Cette violence numérique prolonge l’emprise psychologique bien après une rupture, et plonge la victime dans un climat d’insécurité permanent. Dans cet article, nous explorons les différentes facettes de ces agressions numériques : leurs manifestations concrètes, leurs impacts psychotraumatiques, les réponses juridiques possibles, et surtout, les ressources pour se protéger et se reconstruire.
Définition et typologies des cyberviolences conjugales : Revenge porn
La cyberviolence dans les relations intimes désigne l’usage des technologies (smartphone, réseaux sociaux, messageries, etc.) par un partenaire ou ex-partenaire pour surveiller, contrôler ou harceler sa victime. C’est une extension numérique des violences conjugales classiques, qui crée un climat d’insécurité récurrent pour la victime. Même à distance, l’agresseur maintient son emprise à tout moment via internet ou le téléphone. Les actes prennent diverses formes :
- Cyberviolence directe : violences commises en privé, sans public témoin. Il s’agit par exemple de la surveillance numérique (espionner le téléphone, géolocalisation, lecture forcée des messages privés), du cyber-harcèlement conjugal (appels, SMS, messages incessants imposés à la victime) ou encore de la cyberviolence sexuelle (exiger l’envoi de photos intimes, forcer à participer à des vidéos sexuelles en ligne). Ces comportements visent à contrôler la partenaire et bafouent son consentement.
- Cyberviolence indirecte : violences commises publiquement en ligne, lorsque l’agresseur diffuse des contenus humiliants ou intimes sur sa victime. Cela inclut la divulgation de photos/vidéos à caractère sexuel (par exemple la diffusion de nus ou de scènes intimes du couple sans consentement de la victime) – ce qu’on appelle communément revenge porn ou pornodivulgation. L’agresseur publie ces contenus sur les réseaux sociaux ou les envoie aux proches de la victime (famille, collègues), dans le but de la détruire socialement. Diffuser ainsi des images intimes non-consensuelles constitue une agression numérique grave exploitant la honte et la réputation de la victime.
Exemples chiffrés : En France, environ 1 femme victime de violence conjugale sur 3 rapporte avoir subi un contrôle numérique constant via GPS, téléphone ou réseaux sociaux. Une recherche en Île-de-France a montré que 90 % des femmes violentées par leur conjoint ont également subi des cyberviolences de sa part. Parmi elles, 33 % ont été menacées de diffusion de contenus intimes par le partenaire arretonslesviolences.gouv.fr. Ces données illustrent combien la cyberviolence est devenue un outil fréquent de l’emprise dans les relations intime. Jusqu’à 78 % des femmes victimes de violences conjugales dans certaines études disent avoir enduré des agressions via les technologies inspq.qc.ca.
De même, un article de presse note une banalisation alarmante de la divulgation d’images intimes, la grande majorité des cas étant le fait d’ex-partenaires agissant par vengeance après une rupture leprogres.fr. Autrement dit, le numérique est aujourd’hui omniprésent dans les violences conjugales, en amplifiant leur portée (diffusion virale possible) et leur durée (les contenus postés pouvant réapparaître des années plus tard, prolongeant le traumatisme de la victime.
Profil des auteurs de cyberviolence et de revenge porn dans les relations intimes
Traits psychologiques fréquents
Bien que chaque individu soit unique, les recherches en psychotraumatologie, criminologie et psychologie des violences conjugales permettent de repérer certains traits récurrents chez les auteurs de cyberviolence et de pornodivulgation :
L’un des dénominateurs communs est le besoin de domination et de toute-puissance sur l’autre. L’auteur ne supporte pas de perdre le contrôle sur son/sa partenaire, que ce soit pendant la relation ou après la rupture.
🔁 Il utilise le numérique pour prolonger son emprise : géolocalisation, fouille des messages, écoute des conversations, et ultimement, chantage à la réputation.
Traits narcissiques ou pervers narcissiques
Ces personnalités sont centrées sur leur ego et utilisent les autres comme des objets de gratification ou de pouvoir.
📌 Le revenge porn devient une arme d’humiliation, car blesser publiquement l’autre leur donne un sentiment de supériorité ou de revanche.
Ils minimisent les faits, se victimisent (“c’est elle/lui qui m’a trahi”), ou justifier leurs actes par jalousie ou trahison imaginaire.
Traumatisme psychologique et spécificités du revenge porn
Le revenge porn – c’est-à-dire la diffusion non-consensuelle d’images à caractère sexuel – provoque chez les victimes des atteintes psychotraumatiques profondes, durables et spécifiques. Ce type de violence touche à l’intimité, au corps, à l’image de soi et à la confiance dans la relation.
Un vécu comparable à un viol
Les survivantes rapportent un vécu émotionnel proche de celui d’un viol : trouble de stress post-traumatique (TSPT), stress aigu, crises d’angoisse, dépression, perte d’estime de soi… Ce traumatisme est aggravé par le fait que l’auteur est la plupart du temps un ex-partenaire, une personne en qui la victime avait confiance. La trahison de cette intimité partagée engendre un trauma relationnel majeur, où l’espace autrefois sûr devient un terrain d’agression.
Un choc émotionnel et une honte paralysante
À la douleur de l’exposition s’ajoutent la honte aiguë et la culpabilité, souvent internalisées. Beaucoup redoutent le regard social, craignent d’être blâmées pour avoir pris ou partagé des images en privé. Cette peur du jugement – alimentée par des discours du type « elle n’avait qu’à ne pas envoyer de nudes » – isole encore davantage la victime et l’empêche de demander de l’aide, renforçant la spirale du silence et de la détresse.
Études et observations cliniques
Les recherches qualitatives confirment la gravité du traumatisme lié au revenge porn. La chercheuse Samantha Bates, notamment, a montré que les victimes interrogées présentaient toutes des symptômes comparables à ceux des victimes de viol : perte de confiance généralisée, hypervigilance numérique, repli sur soi, idées suicidaires.
Des plateformes comme ccp.net.au ou cvfe.be documentent également des cas où la vie de la victime est radicalement bouleversée : abandon des études, arrêt du travail, rupture familiale ou amicale, isolement social et stigmatisation durable. À chaque rediffusion ou évocation des images, le traumatisme se réactive : c’est ce qu’on appelle une répétition traumatique.
Un trauma qui s’ancre dans la durée
À plus long terme, les victimes développent des troubles chroniques liés au stress : insomnies, cauchemars, flashbacks, conduites d’évitement (par exemple suppression des réseaux sociaux, peur de se montrer en public). Certaines adoptent des comportements d’autodestruction (consommation excessive d’alcool ou de substances, automutilation) pour tenter de gérer l’intensité émotionnelle.
L’impact spécifique du contrôle numérique
Il est essentiel de comprendre que l’impact psychique ne vient pas uniquement de la diffusion des images, mais de l’ensemble du climat de domination, d’humiliation et de peur imposé par le numérique :
- Hypervigilance permanente : la victime a l’impression d’être en permanence surveillée, traquée, ce qui favorise un état de stress chronique.
- Auto-censure et isolement : par peur d’être retrouvée, suivie ou exposée, elle réduit ses interactions sociales, quitte les réseaux, s’isole progressivement.
- Désancrage et perte de repères : même les lieux censés être sécurisants (sa chambre, son téléphone, son corps) deviennent menaçants, ce qui engendre des symptômes dissociatifs ou de dépersonnalisation.
Un traumatisme réactivé sans cesse
Tant que les images circulent ou risquent d’être rediffusées, le danger est perçu comme toujours présent. Le cerveau ne parvient pas à “traiter” l’événement comme passé : il reste en mode alerte permanente, dans une logique de survie. Cette insécurité numérique bloque les processus naturels de guérison, prolonge les symptômes, et empêche la reconstruction identitaire et sociale.
Vers la résilience : ce qui peut aider
Malgré l’intensité du traumatisme, de nombreuses victimes parviennent, avec le temps et un accompagnement adapté, à reconstruire une forme d’équilibre. Les mécanismes de coping positifs incluent :
- chercher du soutien social bienveillant,
- témoigner pour aider d’autres victimes (quand cela est possible),
- ou s’engager dans une thérapie spécialisée (TCC, EMDR, groupes de parole…).
L’accès à un suivi psychologique avec un professionnel formé au trauma numérique et sexuel est fondamental pour restaurer l’estime de soi, le sentiment de sécurité, et déconstruire la honte.
Un point fondamental : ce n’est jamais la faute de la victime
Le revenge porn est une violence sexuelle et numérique, enracinée dans des dynamiques de pouvoir, de misogynie et de domination. Selon les estimations, plus de 90 % des victimes sont des femmes. Quelle que soit la manière dont l’image a été prise (consentie ou non), sa diffusion sans accord est une trahison grave, un acte criminel, et une atteinte à la dignité. Les séquelles ne sont jamais « méritées ».
Il est donc essentiel de renverser le discours social culpabilisant, qui ne fait qu’aggraver le traumatisme et renforcer la solitude. La reconnaissance de la victime, la déculpabilisation, et l’accès à un soutien adapté sont les piliers de sa reconstruction psychique et sociale.
État des lieux législatif et judiciaire en France et dans d’autres pays francophones
Face à l’essor de ces violences, les législations ont évolué ces dernières années, bien qu’avec des disparités entre pays francophones. Dans tous les cas, la diffusion d’images intimes sans consentement est punie par la loi, même si les termes juridiques varient (atteinte à la vie privée, cyberharcèlement, pornographie non consensuelle, etc.). Voici un tour d’horizon comparatif :
France : Depuis la loi pour une République numérique (2016), le revenge porn est explicitement réprimé par le Code pénal (article 226-2-1). Le fait de diffuser ou partager une image à caractère sexuel sans le consentement de la personne y est passible de 2 ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende. Ce texte a comblé un vide juridique : auparavant, il fallait invoquer des notions générales d’atteinte à la vie privée qui n’étaient pas toujours adaptées, surtout si la victime avait consenti à la prise de vue initiale. Aujourd’hui, même si la personne avait accepté d’être photographiée ou filmée dans un contexte privé, sa diffusion ultérieure sans accord est un délit. La justice française a déjà prononcé des condamnations dans des cas de pornodivulgation (ex. prison avec sursis et dommages-intérêts pour un ex-conjoint ayant posté des photos intimes sur Facebook)lepoint.fr.
Par ailleurs, le cyberharcèlement en ligne (messages malveillants répétés) est également réprimé (jusqu’à 3 ans de prison s’il y a circonstance aggravante de conjoint ou ex-conjoint, art. 222-33-2-2 CP). Notons que la France a mis en place des procédures simplifiées pour signaler ces délits (dépôt de plainte en ligne possible via la plateforme Thésée pour e-harcèlement, signalement de contenus illicites via PHAROS).
Sur le plan judiciaire, des tribunaux commencent à mieux prendre en compte le préjudice spécifique (traumatisme, vie privée brisée) dans l’évaluation des dommages et intérêts à verser aux victimes. Cependant, des progrès restent nécessaires pour améliorer le taux de plaintes (aujourd’hui encore, beaucoup de victimes n’osent pas porter plainte par honte ou peur que leur plainte soit minimisée).
Belgique : La Belgique a durci sa loi en 2016 en modifiant son Code pénal. L’article 371/1 du Code pénal belge réprime désormais le fait de montrer, rendre accessible ou diffuser l’enregistrement visuel d’une personne dénudée ou ayant un caractère sexuel explicite, sans son accord, même si elle avait consenti à l’enregistrement. La peine prévue peut atteindre 5 ans d’emprisonnement en cas de condamnation, ce qui est plus sévère qu’en France. Cette infraction, introduite d’abord pour renforcer la lutte contre le voyeurisme, couvre de fait le revenge porn. En outre, si l’auteur a agi par “intention méchante” ou vengeance, la loi belge permet d’alourdir l’amende (500 à 1000 € supplémentaires)afin de mieux tenir compte du mobile de vengeance pornographique. À noter que la plupart des victimes en Belgique sont également des femmes (~90 % selon les débats parlementaires. Les autorités encouragent les victimes à porter plainte sans tarder pour permettre la collecte rapide des preuves (captures d’écran, URLs) avant disparition des contenus. Bien que la loi soit en place, le défi reste son application : les associations locales signalent encore des cas où les victimes peinent à faire reconnaître la gravité des faits par certains intervenants. Des campagnes d’information sont menées pour rappeler que « Partager une photo intime sans accord, c’est un crime ».
Suisse: La Confédération helvétique a récemment mis à jour son arsenal juridique. Depuis le 1er juillet 2024, un nouvel article 197a du Code pénal suisse sanctionne explicitement le revenge porn reiso.org. Il prévoit que « quiconque transmet à un tiers un contenu sexuel privé sans le consentement de la personne concernée » est punissable sur plainte de la victime. La peine de base encourue est d’un an d’emprisonnement maximum (délit poursuivi à la plainte de la victime)brodt.ch. Mais si le contenu est rendu public (diffusion large, sur internet par exemple), l’infraction devient poursuivie d’office et la sanction encourue est plus lourde (jusqu’à 2 ou 3 ans de prison selon la gravité)brodt.chbrodt.ch. Cette gradation distingue la diffusion limitée (par exemple à quelques personnes) de la publication en ligne à grande échelle. La réforme s’inscrit dans une refonte plus large du droit sexuel suisse (“principe du non, c’est non”) et a été saluée par les défenseurs des victimes – la conseillère aux États Céline Vara a déclaré « J’en ai pleuré de joie » lors de l’adoption de la loi, illustrant l’enjeu émotionnel pour les militantslenouvelliste.ch. Auparavant, les victimes devaient s’appuyer sur des dispositions moins spécifiques (violation du domaine secret, atteinte à l’honneur ou pornographie illégale) qui laissaient des zones d’ombre brodt.ch. Désormais, la Suisse reconnaît pleinement le statut de victime d’infraction aux personnes ciblées par du revenge porn, ouvrant droit à l’aide aux victimes et facilitant la prise en charge.
Canada (francophone): Le Canada fait figure de précurseur avec une loi fédérale en vigueur depuis mars 2015 (article 162.1 du Code criminel). Cette loi, adoptée après des faits dramatiques impliquant des adolescentes (cas Rehtaeh Parsons, Amanda Todd…), criminalise le fait de publier, distribuer, transmettre ou rendre accessible une image intime d’une personne sans son consentement. La peine maximale prévue est de 5 ans d’emprisonnement en cas de poursuite par acte criminellaws-lois.justice.gc.ca. La définition d’« image intime » inclut toute photo/vidéo montrant une personne nue ou engagée dans une activité sexuelle, prise dans un contexte privé où la personne s’attendait à ce que cela reste privé laws-lois.justice.gc.ca.ca. Ainsi, même si la photo a été prise avec consentement à l’époque, la diffuser sans accord ultérieur est un crime. Depuis cette loi, de nombreuses poursuites ont eu lieu au Canada, y compris au Québec, et les tribunaux commencent à imposer des peines significatives (plusieurs mois de prison ferme dans certains cas aggravés). En outre, certaines provinces renforcent la protection : tout récemment, le Québec a annoncé vouloir faciliter les démarches des victimes de cyberviolence sexuelle et la Colombie-Britannique a voté une loi provinciale spécifique pour aider les victimes à obtenir des injonctions de retrait rapide des imagesledevoir.com. Selon Statistique Canada, 4 % de l’ensemble des crimes déclarés en 2017 auprès des services de police étaient des cas de diffusion non consensuelle d’images intimes ywcacanada.ca – – un chiffre non négligeable, probablement sous-estimé, et qui tend à augmenter. Le Canada met l’accent sur la sensibilisation : les sites gouvernementaux et d’organismes comme le YWCA expliquent aux citoyens que « peu importe comment on l’appelle (revenge porn, pornodivulgation…), ce n’est pas acceptable. C’est un crime. Vous avez le droit de le signaler et d’être soutenu sans blâme »ywcacanada.caywcacanada.ca.
Afrique francophone 🌍 : Dans de nombreux pays d’Afrique francophone, la législation évolue également, bien que de manière inégale. Plusieurs États ont intégré la problématique du revenge porn dans des lois sur la cybercriminalité ou la protection des femmes. Par exemple, le Cameroun dès 2010 a promulgué une loi (n°2010/012 du 21 décembre 2010) relative à la cybersécurité qui sanctionne la publication de contenus obscènes ou attentatoires à la vie privée sur internetlebledparle.com. Son article 74 punit l’exposition en ligne d’une personne dans une posture sexuelle sans son accord, avec des peines pouvant aller jusqu’à plusieurs années de prison et de fortes amendes (les textes camerounais prévoient par exemple 1 à 2 ans de prison et jusqu’à 2 millions de FCFA d’amende pour la diffusion d’images obscènes impliquant une personne sans consentement, peines doublées si la victime est mineure). Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo… ont également révisé leur Code pénal ou adopté des lois numériques ces dernières années incluant la répression de la pornographie non consensuelle. Souvent, ces affaires sont traitées au titre de l’atteinte à la vie privée, de l’outrage public à la pudeur ou du cyberharcèlement en attendant des textes plus spécifiques. La Tunisie (pays arabophone mais francophone de culture juridique) a par exemple intégré la notion de pornodiffusion dans sa loi de 2018 contre les violences faites aux femmes, permettant de poursuivre les ex-conjoints qui diffusent des images intimes pour nuire. Néanmoins, dans certains pays, le sujet reste tabou et la victimisation secondaire importante – les victimes osent rarement saisir la justice par crainte du scandale ou faute de confiance dans le système. Des ONG locales et internationales (ONU Femmes, Association des Juristes Maliennes, etc.) militent pour un renforcement des lois et une meilleure formation des policiers et magistrats en Afrique francophone sur ces nouvelles formes de violence numérique.
En synthèse, l’espace francophone commence à se doter d’outils juridiques pour réprimer le revenge porn et les cyberviolences conjugales. La plupart des pays punissent pénalement ces actes, avec des peines allant de 1 an à 5 ans de prison selon la juridiction et la gravité. Toutefois, l’effectivité dépend de la sensibilisation des acteurs judiciaires et de la facilité d’accès des victimes à la justice (dépôt de plainte, conservation des preuves, etc.). D’où l’importance des mécanismes présentés dans la section suivante.
Mécanismes de surveillance et de prévention des cyberviolences : Revenge porn
La lutte contre la cyberviolence conjugale et le revenge porn mobilise à la fois des outils technologiques, des dispositifs institutionnels et des initiatives associatives. L’objectif est double : surveiller (détecter rapidement les contenus ou comportements malveillants en ligne) et prévenir ces violences avant qu’elles ne fassent davantage de victimes.
Sur le plan technologique
Les grandes plateformes web ont développé des politiques spécifiques pour contrer le revenge porn. Par exemple, Meta (Facebook/Instagram) ou TikTok interdisent strictement la diffusion d’images intimes non consenties et disposent d’équipes qui examinent les signalements. En 2021, une initiative innovante appelée StopNCII.org (pour Stop Non-Consensual Intimate Images) a été lancée par le UK Revenge Porn Helpline en partenariat avec plus de 50 ONG mondiales et avec le soutien de Meta about.fb.com Cette plateforme permet aux victimes de revenge porn de proactivement empêcher la republication de leurs images en ligne. Concrètement, la victime peut soumettre l’empreinte numérique (hash) de sa photo/vidéo intime via StopNCII ; les entreprises participantes reçoivent ces empreintes et bloquent automatiquement toute tentative d’importation de l’image correspondante sur leurs services. L’avantage est que l’image elle-même ne quitte jamais le téléphone de la victime (seul le hash cryptographique est partagé), garantissant confidentialité et sécurité. Ce mécanisme préventif, accessible aux adultes du monde entier, donne plus de contrôle aux victimes pour stopper la dissémination de leurs contenus privés. Outre StopNCII, des technologies similaires de filtrage par empreintes existent : les entreprises peuvent comparer les nouvelles images uploadées avec des bases d’images interdites (sur le modèle de PhotoDNA pour la pédopornographie) afin de détecter et supprimer rapidement les contenus de revenge porn signalés. On peut également mentionner les progrès en IA de modération : certaines IA savent repérer du contenu sexuel potentiellement non consenti (par exemple si accompagné de signalements) et alerter des modérateurs humains.
Par ailleurs, des outils numériques aident les victimes à se protéger en amont. Des applications de sécurité numérique offrent des fonctionnalités utiles, comme : détecter la présence de logiciels espions (stalkerwares) installés sur le téléphone par un conjoint abusif, alerter lorsque la caméra ou le micro sont activés à distance, ou scanner régulièrement les réseaux sociaux pour repérer toute publication non autorisée de l’image de la personne. De même, des coffres-forts numériques sécurisés (protégés par mot de passe fort ou biométrie) permettent de stocker d’éventuelles images intimes en limitant les risques d’accès non autorisé. Enfin, côté utilisateurs, la prévention passe par des pratiques simples : toujours verrouiller ses appareils par code, utiliser l’authentification à deux facteurs sur ses comptes en ligne (pour empêcher un ex de s’y connecter), et éviter de conserver des images compromettantes sur le cloud ou le téléphone de quelqu’un d’autre. Ces gestes n’éliminent pas la responsabilité de l’agresseur, mais réduisent les opportunités techniques d’abus.
Du côté des institutions et pouvoirs publics
Plusieurs gouvernements ont mis en place des portails de signalement en ligne pour les cyberviolences.
En France, la plateforme PHAROS (gérée par la police nationale) permet à tout citoyen de signaler anonymement des contenus illicites sur internet, dont le revenge porn. Une fois un signalement effectué, les cyber-enquêteurs de PHAROS peuvent investiguer, faire retirer le contenu (en contactant l’hébergeur ou le réseau social) et engager des poursuites si l’auteur est identifié. Pour le cyberharcèlement conjugal (hors diffusion d’images), la plateforme Thésée lancée en 2021 offre également un dépôt de plainte en ligne simplifié.
En Belgique et en Suisse, des dispositifs similaires existent ou sont en projet (points de contact en ligne pour la police fédérale). L’enjeu est de faciliter la démarche pour des victimes souvent terrorisées à l’idée de se présenter physiquement au commissariat et de raconter des faits intimes.
Les forces de l’ordre se dotent aussi de brigades spécialisées.
En France, il existe des cyber-groupes au sein des gendarmeries et des commissariats, formés pour traiter les infractions numériques. Dans certains départements, des officiers sont référents pour les violences conjugales numériques, ce qui garantit une meilleure écoute et collecte de preuves (par exemple, aider la victime à capturer les écrans, conserver les métadonnées des fichiers, etc.).
Au Canada, la GRC (police fédérale) a des unités contre l’exploitation sexuelle en ligne qui traitent aussi des cas de revenge porn. Dans plusieurs pays, des procédures judiciaires accélérées sont prévues pour ces affaires, notamment pour obtenir rapidement le retrait des contenus en ligne via une injonction ou ordonner aux réseaux sociaux de coopérer. L’effectivité de ces mesures dépend en partie de la formation : on assiste à une montée en compétence des magistrats, policiers et avocats sur le sujet. Par exemple, des guides de bonnes pratiques ont été diffusés dans les parquets français pour rappeler comment qualifier pénalement les faits de pornodivulgation et éviter de classer à tort sans suite.
Initiatives associatives et prévention communautaire
De nombreuses associations et ONG jouent un rôle crucial de veille et de prévention.
En France, le Centre Hubertine Auclert (centre francilien pour l’égalité femmes-hommes) a développé dès 2018 un programme “Cyberviolences conjugales” afin de former les professionnels et informer le public sur ces enjeux. L’association a produit des études (dont celle citée plus haut) et des outils pédagogiques (brochures, vidéos témoignages) pour aider à reconnaître et stopper la violence numérique au sein du couple. Des collectifs militants comme #StopFisha (né en 2020 pour lutter contre un réseau diffusant des photos de jeunes femmes sans consentement) ont permis d’alerter l’opinion et de pousser les plateformes à agir plus vite. Ce collectif, initialement porté par des jeunes sur Twitter, a collaboré avec e-Enfance et d’autres ONG pour obtenir la fermeture de groupes diffusant des nudes volés.
En Belgique, des associations telles que CVFE (Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion) proposent du soutien aux victimes de revenge porn et mènent des campagnes de sensibilisation féministe sur le sujet (ex. déconstruction du terme revenge porn pour le renommer violence sexuelle en ligne afin de bien souligner qu’il s’agit d’une agression et non de “pornographie”). Au Québec, l’organisme SOS Violence Conjugale intègre les violences numériques dans sa sensibilisation et a mis en place un service de chat en ligne sécurisé où les victimes peuvent se confier sans craindre que l’agresseur intercepte l’appel. De plus, des projets éducatifs dans les écoles secondaires abordent désormais la question du consentement à l’ère numérique, pour prévenir chez les plus jeunes le partage irresponsable d’images intimes et le chantage à la sextape dans les relations amoureuses adolescentes.
En somme, la prévention repose sur : la vigilance technologique (surveillance proactive du web, outils anti-diffusion), l’action publique (signalements faciles, policiers formés) et la mobilisation sociale (associations, campagnes). Ces mécanismes commencent à porter leurs fruits, mais doivent encore monter en puissance pour suivre l’évolution rapide des technologies et des méthodes employées par les agresseurs (par exemple, utilisation de messageries chiffrées ou de forums privés pour partager des contenus, ce qui complique la détection). La coopération entre acteurs (police, plateformes, ONG, psy) est donc essentielle pour créer un réseau de sécurité autour des victimes en ligne.
Outils de protection des victimes, recours et accompagnement psychologique
Face à la menace de cyberviolence ou de revenge porn, les victimes disposent progressivement de plus d’outils de protection et de recours. En parallèle, un accompagnement psychologique spécialisé est indispensable pour les aider à se reconstruire. Cette section adopte une perspective psychoéducative, proposant des conseils concrets tout en gardant un ton empathique.
Mesures de protection numérique pour les victimes
Il est important pour toute personne en situation d’abus numérique de sécuriser au maximum ses appareils et comptes. Voici quelques outils et conseils pratiques :
Vérifier ses appareils
Un partenaire narcissique ou violent peut avoir installé un logiciel espion (stalkerware) sur le téléphone ou l’ordinateur de sa victime pour la surveiller à son insu. Des applications gratuites comme Certo, Incognito, Malwarebytes Mobile ou l’outil open source Stalkerware Scanner permettent de détecter ces programmes espions cachés. Si vous suspectez un tel logiciel, faites vérifier votre téléphone par un technicien ou réinitialisez-le aux paramètres d’usine (après sauvegarde de vos données importantes).
Protéger ses comptes en ligne
Changez immédiatement tous vos mots de passe (email, réseaux sociaux, banque…) en utilisant des mots de passe forts et uniques. Activez l’authentification à deux facteurs partout où c’est possible (un code SMS ou une application d’authentification sera requis en plus du mot de passe). Ainsi, même si l’abuseur connaît votre ancien mot de passe, il ne pourra pas accéder à vos comptes sans ce second facteur. Sur les réseaux sociaux, vérifiez les sessions ouvertes et révoquez tout appareil inconnu.
Paramètres de confidentialité
Passez en revue vos profils sur Facebook, Instagram, etc. et réglez-les en privé de sorte que seul votre cercle d’amis approuvé puisse voir vos publications. Bloquez l’ex-partenaire sur toutes les plateformes pour couper ses canaux de contact (messages, appels). Attention, le blocage ne l’empêche pas de voir vos anciens échanges s’il les a conservés, mais au moins il ne pourra plus vous harceler directement en ligne.
Surveillance de son identité numérique
Paramétrez des alertes Google sur votre nom (voire votre nom + “video” ou “photo”) pour être notifié si des contenus à votre sujet sont mis en ligne publiquement. Certaines entreprises offrent des services de veille plus poussés, mais vous pouvez déjà effectuer régulièrement des recherches manuelles (en navigation privée) de votre nom ou de vos images (via la recherche d’images inversée de Google) pour détecter toute fuite.
Recueillir des preuves
Si malheureusement des messages de menaces ou des photos intimes ont déjà été diffusés, conservez les preuves. Faites des captures d’écran avec la date et l’URL visibles, enregistrez les messages vocaux ou textos incriminants sur un support sûr. Notez les pseudonymes utilisés par l’ex-partenaire en ligne, les noms des groupes ou sites où il a partagé du contenu. Ces preuves seront précieuses pour porter plainte (même si c’est dur psychologiquement de les garder, résistez à l’envie de tout supprimer immédiatement – confiez-les éventuellement à un proche de confiance ou à votre avocat).
Utiliser les procédures de retrait de contenu
La plupart des plateformes ont un bouton “Signaler” ou des formulaires dédiés pour contenu intime partagé sans consentement. N’hésitez pas à les utiliser dès que vous découvrez une fuite. Sur Facebook/Instagram, signalez l’image comme “Image privée de nu diffusée sans accord” ; sur Twitter, il existe une catégorie de signalement spécifique également. Ces demandes sont généralement traitées assez vite vu la gravité. Si le contenu est hébergé sur un site web ou forum, envoyez une demande de retrait au webmaster (en vertu du droit à l’oubli ou à la vie privée). En Europe, le RGPD peut aussi être invoqué pour demander l’effacement de données personnelles (une photo de vous non consentie en est une). Enfin, des services comme StopNCII mentionné plus haut peuvent vous aider à empêcher la rediffusion sur les grandes plateformes une fois le cas signalé.
Recours juridiques et aides légales
Une victime de revenge porn ou de cyberviolence conjugale dispose de plusieurs recours :
Porter plainte
C’est une étape difficile mais essentielle si vous vous en sentez capable. En France, vous pouvez porter plainte dans n’importe quel commissariat ou gendarmerie, ou adresser une plainte directement au procureur. Apportez toutes les preuves collectées. Demandez à ce que la plainte mentionne toutes les infractions subies (harcèlement, menaces, atteinte à la vie privée, etc.) – votre avocat ou une association peut vous y aider. En Belgique, la plainte peut se faire auprès de la police locale qui transféra au parquet compétent (n’hésitez pas à citer l’article 371/1 CP pour qualifier les faits). Au Canada, contactez la police provinciale ou locale ; le Code criminel s’applique partout et les policiers connaissent l’article sur la distribution d’images intimes. Sachez que même si l’auteur est à l’étranger, une plainte est utile pour avoir une trace et éventuellement déclencher une coopération internationale (via Interpol par ex., certaines poursuites ont eu lieu contre des exilés numériques).
Mesures d’urgence
Si vous craignez pour votre sécurité physique (ce qui est souvent lié : un partenaire qui menace en ligne peut représenter un danger hors ligne), pensez à demander une ordonnance de protection. En France, un juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection qui interdit à l’auteur d’entrer en contact avec vous (y compris par voie électronique) et peut l’obliger à remettre les clés du domicile, etc. Au Québec, un équivalent est l’ordonnance de prévention. Ces mesures ne concernent pas directement internet mais réduisent les risques globaux.
Voies civiles
Indépendamment du pénal, vous pouvez engager la responsabilité civile de l’auteur pour obtenir réparation du préjudice. Par exemple, en France, assigner l’ex-compagnon devant le tribunal civil pour atteinte à la vie privée et obtenir des dommages-intérêts (même si le pénal n’a pas abouti). Au Canada, certaines provinces (Colombie-Britannique, Manitoba) ont voté des lois spécifiques permettant aux victimes de revenge porn de poursuivre en civil plus facilement et d’obtenir des injonctions de retrait de contenu. L’avantage du civil est un niveau de preuve un peu moins strict qu’au pénal et la maîtrise de la procédure par la victime (mais cela a un coût, et l’auteur doit être solvable pour payer les dommages).
Aide juridique
Rapprochez-vous des permanences juridiques gratuites ou des cliniques juridiques d’université. De nombreuses associations d’aide aux victimes (comme France Victimes via le numéro 116 006) proposent des conseils juridiques gratuits et peuvent même vous accompagner au commissariat ou au tribunal. En Belgique, l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes peut conseiller les victimes de violences sexistes y compris en ligne. Au Canada, des cliniques comme Juripop (au Québec) ont développé des expertises en violence numérique. Ne restez pas isolé·e face au labyrinthe juridique : des professionnels formés sauront vous guider, et souvent des aides financières (aide juridictionnelle, avocat pro bono) peuvent être obtenues pour alléger les frais.
Soutien psychologique et accompagnement de la reconstruction
Sur le plan psychologique, il est fondamental que la victime puisse être écoutée, crue et aidée. Un partenaire narcissique abuseur a souvent miné l’estime de soi de la victime ; le scandale du revenge porn la plonge dans la honte – il faut donc contrebalancer cela par un accompagnement empathique et sans jugement. Voici quelques ressources :
Consultations psy spécialisées
En France, il existe des centres de prise en charge du psychotrauma (dans chaque région, souvent rattachés à des CHU) où des psychologues et psychiatres spécialisés en victimes d’abus peuvent proposer une thérapie adaptée (EMDR, thérapie cognitivo-comportementale centrée trauma, etc.). Ces consultations peuvent parfois être prises en charge à 100% (dispositif “victimes d’attentats et infractions graves”). N’hésitez pas à expliciter que vous avez subi une forme de violence sexuelle en ligne ; le professionnel ajustera l’accompagnement (par exemple, travailler sur le syndrome de stress post-traumatique, la gestion de l’anxiété liée aux réseaux sociaux, la restauration de la confiance en autrui).
Groupes de parole et entraide
Échanger avec d’autres survivant·e·s de revenge porn peut être très libérateur. Des associations ou collectifs organisent des groupes de parole (par exemple, le collectif Féministes contre le cyberharcèlement propose périodiquement des sessions anonymisées en ligne). Entendre des témoignages de personnes ayant vécu la même chose aide à réaliser que « je ne suis pas seul·e, d’autres ont traversé ça et s’en sont sorti·e·s ». La solidarité entre victimes crée un espace où l’on peut partager sans crainte d’être blâmé. Même sur des forums en ligne sous pseudo, le fait de raconter son histoire quand on est prêt·e peut être une étape cathartique de reconstruction.
Lignes d’écoute
Des numéros gratuits sont à disposition. En France, le 3919 (Violences Femmes Info) n’est pas centré numérique, mais les écoutantes sont formées pour toutes les violences conjugales et sauront vous orienter (elles peuvent par exemple vous diriger vers une association locale qui connaît bien les cyberviolences). Pour les plus jeunes victimes (adolescents), le 3018 de e-Enfance/3018 est joignable via Messenger ou chat et traite du cyberharcèlement et revenge porn chez les mineurs, avec soutien psychologique et aide aux démarches en partenariat avec les réseaux sociaux. Au Canada, il existe des lignes comme Jeunesse J’écoute (pour les jeunes, mais qui peut aider à orienter toute victime de harcèlement en ligne) et des lignes spécifiques en cas d’agression sexuelle qui incluent la pornodivulgation. Ne restez pas avec votre détresse : parler à un professionnel permet de décharger une part du fardeau émotionnel et d’obtenir des conseils pour faire face (techniques de gestion du stress, comment répondre aux crises d’angoisse, etc.).
Entourage de confiance
Si vous le pouvez, identifiez au moins une personne de votre entourage en qui vous avez confiance et à qui vous pouvez vous confier sans crainte d’être jugé·e (un ami, un parent, un collègue compréhensif). Le soutien social est un facteur majeur de résilience. Parlez de ce que vous ressentez, de vos peurs (par exemple la peur de croiser quelqu’un qui a vu les images), de votre colère légitime contre l’auteur. Cette personne pourra aussi vous accompagner dans des démarches stressantes (vous emmener chez le psy, vous aider à trier les commentaires en ligne si vous en recevez, etc.).
Enfin, rappelez-vous que vous n’êtes pas responsable de la situation. Le fait d’avoir partagé des images dans un contexte d’intimité ne donne aucun droit à l’autre de les utiliser contre vous. La honte doit changer de camp : c’est l’auteur qui a commis une faute grave et illégale. Vous avez le droit d’être en colère, triste, effrayé·e – ce sont des réactions normales à un traumatisme. Avec du temps et du soutien, de nombreuses victimes parviennent à reprendre le contrôle de leur vie : certaines deviennent même militantes pour aider d’autres survivantes, trouvant dans cette action une source de sens et de réappropriation de leur histoire. Chaque chemin de guérison est personnel, mais des jours meilleurs sont possibles. N’hésitez pas à solliciter l’aide disponible : vous méritez d’être aidé·e et d’aller mieux.
Recommandations pour la sensibilisation, la formation et les politiques publiques
Pour endiguer le fléau du revenge porn et des violences numériques dans le couple, une approche globale est nécessaire. Voici quelques recommandations clés en matière de prévention sociétale, de formation des acteurs et d’amélioration des politiques publiques :
Intégrer le numérique dans la prévention des violences conjugales
Les campagnes de sensibilisation aux violences faites aux femmes devraient systématiquement aborder le volet numérique. Par exemple, les affiches ou spots pourraient mentionner le contrôle par téléphone, le chantage aux photos intimes, etc., pour que le public identifie ces actes comme des violences à part entière. Des slogans du type “La violence conjugale peut aussi être numérique” ou “Surveillance, menaces en ligne : ce n’est pas de l’amour, c’est de la violence” aideraient à faire connaître le phénomène. En milieu scolaire et universitaire, inclure des modules sur le respect de l’intimité numérique et le consentement en ligne dans les programmes d’éducation à la sexualité permettrait de sensibiliser les jeunes aux dangers du revenge porn (autant du côté potentiel auteur que victime).
Déconstruire la culture du blâme de la victime
Les pouvoirs publics et médias doivent faire évoluer le regard sur les victimes de pornodivulgation. Il est recommandé d’éviter les discours culpabilisants (“il/elle n’avait qu’à pas…”) et de véhiculer le message que la faute revient intégralement à celui qui diffuse sans consentement. Des témoignages positifs d’anciennes victimes (volontaires pour parler) peuvent être mis en avant pour montrer qu’il est possible de s’en sortir et pour incarner le problème de façon empathique auprès du grand public.
Former les professionnels de première ligne
Policiers, gendarmes, magistrats, avocats, médecins, psychologues… tous peuvent être amenés à rencontrer des victimes de cyberviolences. Il est indispensable de renforcer leur formation initiale et continue sur ces sujets. Par exemple, inclure un module sur les cyberviolences conjugales à l’École de la magistrature, mettre à jour les référentiels de formation des forces de l’ordre avec des cas pratiques de revenge porn, former les psychologues et travailleurs sociaux à repérer la détresse spécifique liée à l’exposition médiatique de l’intime. Une meilleure compréhension par les professionnels permettra un accueil plus adapté des victimes (éviter qu’un gendarme dise à une plaignante de revenge porn « Mais pourquoi vous avez fait ces photos ? », ce qui est encore trop souvent rapportétf1info.fr).
Renforcer les moyens alloués aux dispositifs existants
Les plateformes de signalement comme PHAROS ou les unités cyber doivent avoir les ressources suffisantes pour traiter rapidement les signalements de revenge porn. Cela implique d’augmenter les effectifs formés, d’améliorer les outils techniques de traque des contenus (par exemple, doter PHAROS d’un système de scan du dark web pour repérer s’il y a diffusion de vidéos intimes françaises sur des forums cachés). De même, soutenir financièrement les associations spécialisées (comme celles évoquées plus haut) afin qu’elles puissent accueillir plus de victimes, tenir des permanences psy/juridiques, et intervenir en prévention dans les écoles.
Encourager la coopération internationale et avec les plateformes
Par nature, internet n’a pas de frontières. Les gouvernements francophones devraient collaborer pour partager les bonnes pratiques législatives et sécuritaires (ex : s’inspirer de la loi canadienne pour les pays qui ne l’ont pas, partager des retours d’expérience sur la formation de la police). De plus, un dialogue continu avec les grandes entreprises du web est nécessaire pour accélérer les retraits de contenu et la mise en place de nouveaux garde-fous. L’Union européenne a franchi un pas avec le Digital Services Act (DSA) qui obligera les plateformes à retirer promptement les contenus illicites signalés – cela inclut évidemment le revenge porn. Les États doivent veiller à la bonne application de ces nouvelles régulations et, si besoin, sanctionner sévèrement les hébergeurs ou réseaux sociaux qui traîneraient les pieds pour retirer des images intimes non consenties.
Développer des programmes de rééducation pour les auteurs
Bien que la priorité soit la victime, agir sur les agresseurs peut prévenir la récidive. Des parcours de responsabilisation spécifiques aux délinquants sexuels en ligne pourraient être mis en place (sur le modèle de ce qui existe pour les auteurs de violences conjugales, mais en incluant la composante numérique). L’idée est de leur faire prendre conscience de la gravité de leurs actes, du tort causé, et de travailler sur leur empathie déficiente. Par exemple, en Belgique ou en France, cela pourrait prendre la forme d’un stage de citoyenneté numérique obligatoire imposé par le juge en plus de la peine.
Statistiques et recherche
Il est recommandé d’améliorer la collecte de données sur ces phénomènes. Aujourd’hui, on manque de statistiques précises (nombre de plaintes pour revenge porn, taux de condamnation, profil des victimes et auteurs…). Mieux documenter le problème permettra de mieux adapter la réponse. Les pouvoirs publics pourraient financer des études épidémiologiques, par exemple une enquête nationale en population générale sur les expériences de cyberviolence dans le couple, afin de mesurer l’ampleur cachée (y compris les personnes qui n’ont pas porté plainte).
En conclusion
En conclusion de ces recommandations, il apparaît que la lutte contre le revenge porn et les violences numériques nécessite un changement culturel (respect du consentement numérique, fin de la banalisation du contrôle dans le couple), juridique (des lois dissuasives et appliquées) et pragmatique (des moyens concrets pour protéger et accompagner chaque victime). Les lecteurs de ce blog, sensibilisés aux ravages de la perversion narcissique et des abus, peuvent contribuer à ce mouvement en diffusant l’information autour d’eux, en soutenant les personnes touchées dans leur entourage, et en appelant à une tolérance zéro vis-à-vis de ces cyberviolences. Chaque action de prévention ou de solidarité compte pour faire d’internet un espace plus sûr et pour redonner aux victimes le pouvoir de reconstruire sereinement leur vie.
Si vous vous reconnaissez dans ces situations, vous n’êtes pas seul·e. Consultez nos ressources, parlez-en à un professionnel ou contactez une ligne d’écoute.”
🙋♀️ FAQ : Cyberviolence violence conjugale et revenge porn : comment se protéger
Il s’agit de l’utilisation des technologies (téléphone, réseaux sociaux, GPS…) par un partenaire pour surveiller, contrôler ou harceler l’autre. Elle peut être directe (messages, espionnage) ou indirecte (diffusion de contenus intimes).
Oui. Depuis 2016, la diffusion d’images intimes sans consentement est un délit puni par le Code pénal (article 226-2-1), avec jusqu’à 2 ans de prison et 60 000 € d’amende.
Il est recommandé de vérifier vos appareils avec un outil anti-stalkerware, de changer vos mots de passe, d’activer l’authentification à deux facteurs, et de vérifier les connexions actives sur vos comptes.
De nombreuses victimes rapportent un vécu émotionnel proche d’un viol : anxiété, dépression, honte, isolement. La trahison intime et la peur de la rediffusion aggravent ce traumatisme.
Oui. Il est essentiel de consulter des professionnels formés au psychotrauma numérique. Des centres spécialisés, des lignes d’écoute et des groupes de parole sont disponibles.
Références
- INSPQ, 2020 – Cyberviolences dans les relations intimes (Fernet M. et al.). Institut national de santé publique du Québecinspq.qc.cainspq.qc.ca.
- MIPROF, 2024 – Guide les (cyber)violences au sein du couple. Mission interministérielle pour la protection des femmes, Données statistiques Francearretonslesviolences.gouv.frarretonslesviolences.gouv.fr.
- CVFE, 2018 – Ballout M., Revenge porn : critique d’un phénomène social. Analyse féministe (Belgique)cvfe.becvfe.be.
- Bates, 2017 – “Revenge Porn and Mental Health: A Qualitative Analysis”, Samantha Bates – Synthèse par CCP, 2024ccp.net.auccp.net.au.
- Le Point, 2016 – “Le revenge porn, une cyberviolence encore mal contrôlée”, LePoint.fr (12/05/2016)lepoint.frlepoint.fr.
- NextInpact, 2016 – Berne X., “Revenge porn : proposition de loi en Belgique” (27/09/2016)next.inknext.ink.
- REISO, 2024 – “Le revenge porn est punissable, désormais”, REISO.org (Suisse, 23/07/2024)reiso.org.
- Brodt, 2024 – Bulletin juridique – art. 197a CP (Suisse), Étude Brodt & Partenairesbrodt.chbrodt.ch.
- Justice Canada, 2025 – Code criminel, art. 162.1 (diffusion non consensuelle d’images intimes)laws-lois.justice.gc.calaws-lois.justice.gc.ca.
- YWCA Canada, 2021 – Guide on sexual image-based abuse (statistiques et droits au Canada)ywcacanada.caywcacanada.ca.
- Le Progrès, 2022 – L.L., “Victimes de revenge porn, ils racontent – documentaire Ennemi Intime” (30/03/2022)leprogres.fr.
- TF1 Info, 2022 – “Revenge porn : ancienne victime, la justice lui a dit de faire plus attention”, témoignage (15/04/2022)tf1info.fr.
- Meta, 2021 – “Combattre la diffusion des images intimes non consenties”, Newsroom Meta (07/12/2021)about.fb.comabout.fb.com.