« Chère Maman » : Quand « l’amour » maternel est toxique
Il suffit parfois d’une seule phrase pour que tout bascule. Un mot banal en apparence, une remarque de trop… C’est ce qui arrive à Alix, mère de trois enfants, dans la bande dessinée Chère Maman scénarisée par Émilie Gleason et illustrée par Mademoiselle Caroline. Un ouvrage aussi tendre qu’acéré, aussi pudique que bouleversant, qui aborde de front l’un des derniers tabous familiaux : la toxicité maternelle.
Le déclic : une scène du quotidien, une vérité révélée
Alors qu’Alix admire sa fille Suzie, elle lui murmure : « Tu es belle ». Une phrase spontanée, tendre.
Mais sa propre mère, présente, réagit immédiatement :
« Ne lui dis pas trop, elle va finir par le croire. »
Cette remarque agit comme un électrochoc. Elle ravive des décennies d’humiliations, de moqueries, de dévalorisations, de petites phrases assassines. Des blessures d’enfance jamais pansées, des douleurs tues trop longtemps. Ce moment de grâce – celui d’une mère qui veut simplement transmettre de l’amour à sa fille – est saboté. Et Alix comprend alors, avec une clarté foudroyante : elle doit se libérer de cette emprise.
L’emprise maternelle : un poison lent, difficile à nommer
La force de Chère Maman réside dans sa capacité à mettre des mots sur « l’indicible » et à dévoiler l’ampleur de l’emprise maternelle. Il ne s’agit pas simplement de quelques remarques blessantes ou de tensions passagères : toutes les techniques de manipulation psychologique y sont à l’œuvre, infiltrant chaque recoin de la vie d’Alix.
On y retrouve par exemple le gaslighting parental, cette invalidation systématique des émotions de l’enfant, qui l’amène à douter de sa propre perception. Mais aussi des critiques récurrentes et corrosives, visant à dévaloriser Alix sur tous les plans :
- physiquement,
- intellectuellement,
- dans sa propre fonction parentale, familiale,
- et sur le plan professionnel.
Rien n’échappe au regard jugeant de sa mère. Chaque sphère d’identité est sapée, rabaissée, comme si Alix n’avait jamais droit à une reconnaissance pleine et entière. « L’amour maternel » est un instrument de domination, une cage psycho-émotionnelle déguisée en lien sacré.
Cette emprise est « légitimée » sur un fond de culpabilité sociale profondément enracinée, alimentée par des injonctions telles que :
« C’est ta mère, on a qu’une. »
Ce conditionnement culturel rend l’identification de la violence d’autant plus complexe. Pourtant, comme le montre avec justesse cette œuvre graphique, nommer ces abus est le premier pas vers la libération intérieure.
Un parcours de détachement psycho-émotionnel au fil des saisons
Le récit suit une progression en spirale. Alix ne coupe pas d’un coup les liens. Elle avance, puis recule. Elle culpabilise, doute, se remet en question.
Et la société lui rappelle encore et encore :
« On n’a qu’une mère. »
Mais Alix ressent au plus profond d’elle-même que l’amour, le vrai, ne blesse pas à répétition, ne rabaisse pas, ne cherche pas à détruire l’estime de soi.
Elle entame alors un processus d’émancipation, fait de prises de conscience, de renoncements douloureux, mais aussi de victoires intérieures. Elle apprend à poser des limites, à écouter sa colère, à valider ses ressentis. Elle se choisit enfin elle-même.
Le dessin comme miroir de l’ambivalence
Lire Chère Maman, c’est :
- se sentir légitimé(e) si l’on a soi-même subi ce type de violences émotionnelles maternelles ;
- comprendre les mécanismes d’emprise dans la relation mère-enfant (et dans le cas présent mère-fille) ;
- et entrevoir un chemin de reconstruction possible – résilience.
Ce récit n’est pas un réquisitoire. C’est un acte de libération.
Un appel à retrouver son intégrité affective, sa voix intérieure, et à aimer ses propres enfants sans reproduire la violence.
Pourquoi lire Chère Maman ?
- Parce qu’il est urgent de reconnaître la violence parentale psychologique comme réelle et destructrice.
- Parce que se libérer, ce n’est pas haïr : c’est choisir sa paix.
- Parce que poser des limites à une mère toxique, c’est un acte d’amour envers soi-même – et envers ses propres enfants.
🔗 Pour aller plus loin :
Je vous invite à lire également mon article sur :
🔗 Mère perverse narcissique : comment s’en libérer
Conclusion
Chère Maman est plus qu’une bande dessinée.
C’est un espace de reconnaissance, un outil de conscience, une trame de résilience.
FAQ – Chère Maman
Chère Maman aborde l’emprise psychologique d’une mère toxique sur sa fille adulte, et suit un chemin de prise de conscience, de détachement affectif et de résilience.
L’ouvrage explore le gaslighting parental, la culpabilité liée au lien mère-enfant, la confusion entre amour et contrôle, ainsi que la reconstruction de soi.
Bien que romancée, Chère Maman s’inspire de vécus universels et réalistes. Elle reflète avec justesse des mécanismes psychiques fréquemment rencontrés dans les relations toxiques mère-fille.
Elle s’adresse à toute personne ayant vécu une relation familiale toxique, et à celles et ceux qui cherchent à comprendre ou à se libérer d’une emprise maternelle.
Oui. Avec un travail thérapeutique, de la compréhension, du soutien, et parfois un éloignement, il est possible de se reconstruire.